Le trou noir, c’est le grand méchant loup de l’univers. C’est lui qui, à la fin, mange tout le monde. Il fascine les astrophysiciens depuis un siècle, depuis que son existence a été prédite comme l’une des conséquences de la relativité d’Einstein. Dans les prochaines années, nous devrions être pour la première fois en mesure d’observer directement un trou noir. Partons à la découverte de ce monstre de l’univers !
Pour comprendre le concept de trou noir, il nous faut l’aide de la relativité et de notre physicien chevelu préféré : Albert Einstein. L’une des idées révolutionnaires proposées par Einstein, aidé sur ce point par le travail du mathématicien et physicien Hermann Minkowski, c’est que l’espace et le temps sont en réalité deux aspects d’une même chose : l’espace-temps. L’univers n’est pas constitué de trois dimensions (hauteur, largeur et profondeur), accompagné d’une dimension temporelle, mais d’un tissu d’espace-temps à quatre dimensions. Dans notre quotidien, l’espace et le temps nous semblent pourtant bien séparés et immuables. Le temps s’écoule de la même façon pour vous et pour moi, et nous apprenons à l’école que deux droites parallèles ne se croisent jamais. Mais l’univers est plus que ce que nous en percevons. La masse déforme l’espace-temps. Je ne peux pas vous faire un dessin à quatre dimensions, alors, pour bien comprendre les choses, nous allons supprimer virtuellement l’une de nos dimensions spatiales, par exemple la hauteur. Imaginons que nous sommes des êtres plats vivant sur un drap et qu’il nous est strictement impossible de quitter ce drap, tels de gentils acariens. Si aucun objet massif, comme une planète ou une étoile, n’est situé près de nous, tout se passe comme d’habitude : le temps s’écoule de la même façon pour tous et les droites parallèles le restent. Mais plaçons à présent un objet massif, la Terre par exemple, au centre de ce drap. Le drap d’espace-temps est maintenant creusé là où se trouve la Terre et, autour d’elle, les droites parallèles se rapprochent les unes des autres. Elles peuvent même se couper ! L’autre effet de la présence d’un objet massif est la distorsion du temps. Imaginons que nous pouvons placer une horloge – très résistante – à la surface du Soleil et une autre très éloignée de notre étoile. Au bout d’un an, l’horloge placée près du Soleil affichera un retard d’environ une minute par rapport à l’autre ! C’est la gravité exercée par le Soleil qui est responsable de ce décalage. Lorsqu’on se trouve près d’une masse, notre temps, vu par un observateur éloigné, s’écoule moins vite. Cet effet, mesuré depuis les années 1960, est pris en compte aujourd’hui dans la conception des GPS. Une conséquence très importante de cette distorsion du temps est le rougissement de la lumière. On peut comprendre ce phénomène en considérant la lumière comme une onde. Plus les vagues sont rapprochées dans le temps, plus la lumière est bleue et possède une énergie élevée, tandis que, plus ces vagues sont espacées, plus la lumière tend vers le rouge et possède une énergie basse. Si nous observons un photon, c’est-à-dire une particule de lumière, passer près d’un objet massif, nous allons voir son temps se dilater. La lumière que nous allons percevoir sera rougie. Cela revient également à dire que le photon aura perdu de l’énergie. Mais que se passe-t-il si la masse de l’objet devient extrêmement importante ? C’est la question à laquelle a répondu l’astrophysicien Karl Schwarzschild. Il a cherché à comprendre ce qui arrive à l’espace-temps en présence d’une masse ponctuelle – c’est-à-dire réduite à un point, pour simplifier le problème. Par ses calculs, il a mis en évidence une masse limite pour laquelle la gravité tend vers l’infini. Le temps est alors infiniment dilaté et les photons perdent alors toute leur énergie. Sans énergie, les photons ne peuvent plus se propager. L’objet apparaîtra alors totalement noir. C’est le principe du trou noir ! Malgré ces bizarreries, du point de vue d’un physicien, un trou noir est un objet très simple comparé à une étoile, par exemple, car seuls trois ingrédients sont nécessaires pour le décrire : sa masse, sa rotation et sa charge électrique. Pour décrire une étoile, on a aussi besoin de sa luminosité, de sa composition chimique… Le physicien John Archibald Wheeler usait à ce sujet d’une expression qui est restée célèbre : « Les trous noirs n’ont pas de cheveux ! » Il entendait par là que le trou noir ne garde pas de mémoire de ce qu’il a englouti. Qu’il ait mangé une étoile, une planète ou un vaisseau spatial, aucune trace extérieure, aucun « cheveu », ne restera visible pour un observateur extérieur. Retrouvez la suite de ce dossier Trous Noirs ainsi qu'une interview de l'astrophysicienne Françoise Combes dans le dernier numéro de la revue l'Eléphant : http://www.lelephant-larevue.fr/les-trous-noirs/ |
Le trou noir, c’est un peu le Dark Vador de la force de gravité. Il est en fin de vie mais est plus puissant que jamais et ne rêve que d’engloutir tout ce qui passe à sa portée. Et bien sûr, ce qui intéresse tout le monde, c’est la façon dont il est passé du côté obscur. En d’autres termes, comment un trou noir naît-il ? C’est cette question qu’éclaire la toute récente découverte des astrophysiciens Heino Falcke et Luciano Rezzolla. Revenons d’abord rapidement sur la jeunesse du trou noir. Sa vie commence sous forme d’une étoile très massive. Toute son existence est consacrée à lutter contre la gravité, qui tend à l’écraser sur elle-même. Tant que l’étoile peut réaliser la fusion nucléaire en son cœur, il est facile de contrebalancer la gravité. Mais quand le carburant vient à manquer, les choses se corsent ! L’étoile s’effondre sur elle-même jusqu’à ce que sa taille soit comparable à celle de la Terre. On l’appelle alors naine blanche. Sa densité est telle que les électrons, serrés les uns contre les autres, deviennent un peu dingues et s’agitent dans tous les sens, si bien qu’ils sont capables d’arrêter l’effondrement ! |