Un Mexicain vu du dessus ? L'œil de Sauron qui nous regarde de travers ? Que nenni ! Il s'agit d'HL-Tauri, un système planétaire en formation, localisé à environ 450 années-lumière de nous, en direction de la constellation du Taureau. Cette image est une des plus belles images acquises avec le radio-interféromètre ALMA. Au centre, il y a une très jeune étoile, âgée d'environ 1 million d'années (pensez-y la prochaine que vous vous trouvez vieux) et autour un disque de poussière - vestige de la formation de l'étoile. Les cercles noirs concentriques marquent les endroits dans le disque où il n'y a presque plus de poussière. Des planètes seraient en train de s'y former et ramasseraient toutes les poussières et les petites météorites qui se trouvent sur leur orbite. Notre système solaire a très probablement ressemblé à cela il y a quelques 4 milliards d'années...
0 Commentaires
Retrouvez une fois par semaine une image d'astrophysique expliquée par Fabien Louvet, astrophysicien français au Chili depuis bientôt 4 ans et spécialiste de la formation des étoiles. Il s'agit de l'interféromètre ALMA. Sa construction a commencé sur les hauts plateaux du nord du Chili (à 5200 m !) en 2004, et s'est achevée en 2013. Au total, ce sont 66 antennes de 12 m de diamètre chacune qui fonctionnent de concert. Toutes les antennes se meuvent pour pointer dans la même direction, vers l'objet qui intéresse les astronomes.
Le principe de fonctionnement est simple et complexe à la fois. Dit simplement : c'est comme avoir une énorme antenne d'environ 10 km de diamètre ! Or, plus l'antenne est grosse, plus on est capable de voir de petits détails. Dit de manière plus exacte : on fait interférer les signaux lumineux reçus par chaque paire d'antennes, ce qui donne une information précieuse sur la structure de l'objet. ALMA ne voit pas la lumière visible (celle perçue par nos yeux, voir cet article sur les différentes lumières). Il est sensible à la lumière ayant une longueur d'onde millimétrique, qui est principalement émise par de la poussière froide et des molécules. Ainsi, ALMA est l'instrument idéal pour l'étude des nuages froids (dans lesquels se forment les étoiles), des disques proto-planétaires (là où naissent les planètes), des galaxies proches et lointaines, etc. Pour aller plus loin : par Fabien Louvet Les étoiles. Elles illuminent le ciel depuis l’aube des temps. Depuis son apparition sur Terre, l’humain, lui, s’interroge et les interroge sur leur présence. La science nous dit aujourd’hui qu’elles sont en réalité des sphères de gaz (principalement de l’hydrogène) sujettes à des réactions thermonucléaires de fusion. L’astrophysique est la science des objets de l’Univers, notamment des étoiles. Même si cette science a résolu de nombreux mystères, ses grandes avancées sont relativement récentes. Par exemple, il aura fallu attendre les travaux de Marie Skłodowska-Curie sur la radioactivité en 1898, puis ceux d’Albert Einstein sur la relativité restreinte (la fameuse équation E=mc2, publiée en 1905) pour comprendre ce qu’est une étoile : un objet capable de réactions nucléaires, produisant de la lumière. En 1914, nous comprenons que de nombreuses galaxies peuplent l’Univers. En 1955, les travaux de Salpeter (voir ci-dessous) suggèrent que les étoiles se forment partout dans les mêmes proportions (petites, moyennes et grosses étoiles). C’est cette dernière croyance que les travaux que nous avons récemment publiés dans Nature Astronomy remettent en cause. Avant d’entrer dans les détails de nos travaux, un mot sur comment se forment les étoiles et sur les différents types d’étoiles que l’on rencontre dans l’Univers. Les étoiles naissent cachées Nous savons que les étoiles se forment dans des nuages de gaz froid. Ces nuages font plusieurs dizaines d’années lumière de rayon. La turbulence qui règne en leur sein génère des « grumeaux » de gaz que l’on appelle des cœurs denses. La gravité, qui fait que toute particule ayant une masse attire (et est attirée par) les particules voisines, provoque la contraction du cœur dense. Sous l’effet de la gravité, il devient tellement dense, comprimé et chaud que des réactions thermonucléaires de fusion se déclenchent. La lumière jaillit, une étoile est née. Or, puisque les cœurs denses n’ont pas tous la même masse, les étoiles ne naissent pas avec la même masse. Nous mesurons la masse d’une étoile par rapport à la masse de notre soleil, que nous notons 1 M☉ (lire « une masse solaire », c’est-à-dire une fois la masse du soleil). En observant les étoiles, et en les rangeant en fonction de leur masse on peut établir la distribution en masse des étoiles que l’on appelle fonction de masse initiale. C’est cette fonction initiale de masse, représentée ci-dessus, que l’on pensait universelle depuis les travaux de l’américain Erwin Salpeter publiés en 1955. Autrement dit, nous pensions qu’en toute partie de notre Galaxie et par extension dans toutes les galaxies, les étoiles se formaient toujours dans les mêmes proportions. Cette supposition, jamais démentie jusqu’alors était de première importance : cela impliquait qu’en étudiant la population d’étoile d’une masse donnée (certaines étoiles sont beaucoup plus faciles à observer que d’autres) on pouvait connaître la population de toutes les étoiles. Pour bien comprendre, entrons dans le détail des différences qui existent entre les étoiles en fonction de leur masse, et des biais d’observation que cela implique :
Etudier les étoiles massives En supposant l’universalité de la fonction initiale de masse, nous pouvions connaître et étudier la population des étoiles des galaxies seulement par l’étude des étoiles les plus faciles à observer : les étoiles massives. La validité de l’universalité de la fonction initiale de masse d’étoiles était donc la base des études extra-galactiques s’intéressant à l’efficacité de formation stellaire ou aux populations d’étoiles en fonction de l’âge des galaxies. Comme je l’ai décrit plus haut, les étoiles se forment dans des cœurs denses au sein de nuages moléculaires. Une étoile mettant plusieurs millions d’années à se former il est impossible d’observer « en direct » la formation des étoiles dans un nuage moléculaire. En revanche, puisque les étoiles se forment dans les cœurs denses on peut observer ces derniers pour « prédire » les étoiles que le nuage moléculaire va générer. C’est ce qu’ont fait les astrophysiciens dans les années 2000 en observant les plus proches nuages moléculaires formant des étoiles : les nuages de la ceinture de Gould. Ils ont découvert que la fonction initiale de masse de cœurs denses (comptage des cœurs d’une masse donnée) avait la même forme que la fonction initiale de masse d’étoiles. Autrement dit, une étoile hérite de la masse du cœur dans lequel elle se forme. Cela conforte l’idée que la fonction de masse des étoiles est une loi universelle. Avec l’avènement des grands radiotélescopes nous sommes maintenant en mesure d’observer des régions de formation d’étoiles beaucoup plus éloignées que les nuages de la ceinture de Gould. Notamment, le grand interféromètre ALMA qui a été construit dans le désert d’Atacama à quelques 5 100 m d’altitude nous permet de voir des régions où des étoiles massives se forment avec autant de détails que les observations d’il y a 20 ans dans la ceinture de Gould. En particulier, nous avons observé le nuage nommé W43 qui est représenté sur la vue artistique de la Voie lactée. L’image en tête de l’article montre la région W43 telle que vue par l’instrument ALMA. Les ellipses noires montrent tous les cœurs denses qui sont en train de se former, et qui formeront des étoiles dans les quelques millions d’années à venir. Sans surprise, nous avons trouvé de nombreux cœurs « massifs » qui formeront sans nul doute des étoiles massives. Seulement, selon la fonction initiale de masse d’étoiles, la région W43 aurait dû abriter beaucoup plus de cœurs de masse intermédiaires et de faible masse. Le graphique ci-dessous résume la distribution de la population de cœurs dans W43. L’histogramme en bleu indique le comptage des cœurs (nombre de cœurs ayant une masse donnée). La courbe rouge est l’ajustement à l’histogramme, c’est-à-dire la fonction mathématique qui représente le mieux les pics de l’histogramme. Enfin, la zone hachurée montre le domaine d’incertitude de l’ajustement. Il s’agit de la première observation montrant une différence nette entre la courbe en rouge et la pente théorique de la fonction initiale de masse des étoiles indiquée en magenta. Autrement dit, une entorse flagrante à l’universalité de la fonction initiale de masse. Pour étayer ce résultat de première importance, un vaste projet d’observation a été mis en place. Au cours des prochaines années, l’interféromètre ALMA va observer de nombreuses autres régions de formation d’étoiles massives (tous les nuages indiqués en vert sur la vue artistique de la Voie lactée). L’enjeu, pour ces prochaines années, sera de comprendre les causes physiques de la non-universalité de la fonction initiale de masse des étoiles. Si cette recherche est intéressante en soi, de nombreuses thématiques sont en attentes des résultats qui en découleront : les études sur les naines brunes, les études extra-galactiques de formation stellaire, les études de population de trous noirs, etc. Article rédigé par Fabien Louvet.
|
Qui écrit ?
Sarah Fechtenbaum Docteure en astrophysique et médiatrice en sciences Catégories
Tous
Archives
Janvier 2024
Retrouvez mon dossier Trous noirs dans la revue l'Eléphant
Mon blog dans la sélection des meilleurs blogues de sciences en français 2013 !
Les sites que j'aime
Futurasciences Astronomes Images de la NASA Tu mourras moins bête Science Daily Daily Galaxy Piqûre de Curiosité |