Je vous partage une excellente vidéo de ScienceClic, dont j'avais déjà parlé. Elle présente l'ensemble des phénomènes bizarres que l'on pourrait observer si on s'approchait d'un trou noir et qu'on décidait (soyons fous) de rentrer dedans...
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La vitesse de la lumière indépassable, les trous noirs ou le paradoxe des jumeaux, tout ça vous fascine ? Je vous recommande la chaîne youtube d'Alessandro Roussel, ScienceClic, qui explore de nombreuses questions de physique de l'Univers, avec clarté et à l'aide d'animations bien trouvées. Il y a quelques jours, lors d’une conférence de l’American Physical Society, le physicien Daniel L. Jafferis, de l’université d’Harvard, a présenté des résultats plutôt surprenants : voyager à travers un trou de ver serait théoriquement possible ! Un trou de ver ? Mais siii, vous l’avez vu dans Interstellar, avec le marmottant mais séduisant Matthew McConaughey, rappelez-vous cette scène dans laquelle Matt’ observe un trou de ver, tout intrigué : Le collègue de Matthew lui explique gentiment le principe du trou de ver. Vous voulez atteindre un point très lointain de l’espace ? N’y passez pas la vie, prenez un raccourci ! Dans la vidéo, notre espace-temps est représenté comme une feuille, que l’on pourrait plier pour atteindre plus vite notre destination, via le trou de ver. Comme les trous noirs, les trous de ver ont été imaginés par Albert Einstein (et Nathan Rosen en ce qui concerne les trous de ver). Toutefois, les trous de ver sont (pour l’instant) des objets purement théoriques. A l’inverse, les trous noirs ont été observés, d’abord indirectement, et très récemment directement pris en photo ! Einstein et Rosen avaient imaginé ces trous de ver, aussi appelés ponts d’Einstein-Rosen (en réalité découverts par Ludwig Flamm un peu plus tôt, han l'arnaque !), mais ils n’avaient pas pu trouver un moyen de garder ces ponts ouverts. Il aurait fallu une matière exotique pour les empêcher de se refermer presque instantanément. De plus, ces ponts auraient une taille quantique, du genre très très microscopiques. Pas évident pour faire passer vos fesses, si petites soient-elles (personne n’est gros). Et si on essaie de les agrandir, ils s’autodétruisent ! Bon, c’est mal barré pour les vacances dans la galaxie voisine. Ce qui n’a pas empêché toute la science fiction de se servir de cette idée, fort pratique, je vous l’accorde. Mais ce n'est pas ça qui décourage les physiciens, et certains, comme Kip Thorne ou Stephen Hawking, ont imaginé comment stabiliser de tels objets, avec l’effet Casimir par exemple. Je précise que cela n’a strictement rien à voir avec le type en costume orange qui cuisine du gloubi-boulga pour les enfants (osez cliquer sur la vidéo ci-dessous). Le vide… pas si vide que ça ! Le néerlandais Hendrik Casimir a montré en 1948 que si on rapproche suffisamment deux plaques parallèles, une force semble vouloir les coller l’une à l’autre. La cause probable ? L’énergie… du vide ! En réalité, le vide n’est pas si vide que ça. Dans le vide, des particules apparaissent sans cesse, et s’annihilent aussitôt. Pour mieux se représenter, et puisqu’on en parlait, imaginons que dans le vide, en permanence, des Casimirs de toutes les tailles apparaissent et disparaissent. Par contre, entre nos deux plaques très rapprochées, seuls les petits Casimirs peuvent rentrer. Si nos Casimirs décident de danser tous la salsa en poussant leurs voisins, on se rend compte que les Casimirs de l’extérieur, plus nombreux et plus costauds, vont pousser plus fort que les petits Casimirs entre les plaques. Résultat, les plaques se rapprochent ! Cet effet n’est pas qu’un détail marrant de la physique. Dans certaines théories, il pourrait carrément être à l’origine de l’existence de la gravité, rien que ça. C’est un effet similaire qu’a proposé Daniel L. Jafferis en imaginant connecter deux trous noirs au niveau quantique. Dans ce cas, le trou de ver serait alors traversable. Cela signifie que de la lumière pourrait passer dans le trou de ver et en ressortir, ce qui est normalement impossible dans le cas d’un trou noir ordinaire. Ce serait particulièrement intéressant car cela nous permettrait de savoir ce qu’il se passe à l’intérieur de ces monstres galactiques, censés tout avaler et ne jamais rien rendre ! Pour les vacances par contre, c'est toujours pas gagné, Jafferis précise que "Cela prend plus de temps de traverser ces trous de ver que d'y aller directement, alors ils ne sont pas très utiles au voyage spatial."... Même si de l’extérieur, tout cela peut avoir l’air farfelu (si, si, vous pouvez le dire hein), chercher un moyen de construire un trou de ver dans lequel la lumière puisse passer a déjà fait bien progresser la recherche sur une possible théorie de gravité quantique. Cette théorie (un peu le Graal des physiciens) permettrait de réconcilier la physique imaginée par Einstein, qui décrit l’infiniment grand, notre Univers, et la physique quantique décrivant l’infiniment petit, ces deux théories étant fondamentalement incompatibles, c'est ballot. Pour aller plus loin
Ce que vous voyez là est la première image d'un trou noir ! Les scientifiques du projet Event Horizon Telescope viennent de présenter au monde cette photo lors de 6 conférences de presse simultanées à travers le monde, il y a quelques heures !
Attends un peu, what ? Reprenons depuis le début. Le trou noir galactique ou la roi vorace de la galaxie Un trou noir, c'est un objet avec une masse incroyablement grande, concentrée dans un tout petit espace. Il exerce une force de gravité très importante sur son entourage, au point que même la lumière ne peut lui échapper. Les trous noirs sont d'ordinaire la dernière étape de la vie des étoiles massives, c'est-à-dire de plus de 8 fois la masse du Soleil. Mais il existe également des trous noirs monstrueux tapis au centre des galaxies. On ignore encore comment ils se forment exactement. Notre galaxie, la Voie Lactée, en contient un. C'est aussi le cas de la galaxie M87, qui a été observée ici, à 53 millions d'années-lumière de nous. Les trous noirs ont été prédits par Einstein il y a plus de 100 ans (au départ, il n'y croyait pas lui-même, tellement ça lui semblait jeté) et des décennies sont passées avant que l'on commence à avoir des preuves de leur existence. Une observation sacrément délicate Si cette image est une grande avancée, c'est que jusqu'ici, nous n'avions que des preuves indirectes de leur existence. Les trous noirs galactiques sont par définition noirs puisqu'ils absorbent la lumière environnante. Comment les observer alors ? Jusque là, on a pu observer par exemple le mouvement très rapide des étoiles tournant autour ou encore la déformation de la lumière passant près des trous noirs. Pour ne rien arranger, le centre d'une galaxie, c'est du genre encombré d'étoiles, de gaz, de poussière, qui rendent compliquées les observations. Un télescope de la taille de la Terre Comment faire alors pour avoir un télescope suffisamment puissant pour observer un trou noir ? Première chose, choisir la bonne lumière. Si l'on regarde la lumière visible, celle que nos yeux perçoivent, les trous noirs sont obscurcis par le gaz et la poussière. Par contre, la lumière du domaine radio est capable de traverser ces nuages de poussière comme si de rien n'était. Ensuite, l'astuce du projet Event Horizon a été la combinaison de nombreux télescopes, situés à différents endroits dans le monde. En combinant les images simultanées prises par tous ces télescopes, cela revient à observer avec un télescope de la taille de la Terre ! Résultat : une image ultra détaillée, comme jamais auparavant. Résultat : une image de ouf ! Et voilà le résultat. Ce que l'on voit sur cette image, c'est d'abord un halo de lumière. Frédéric Gueth de l'Institut de Radioastronomie Millimétrique qui gère l'un des télescopes, nous explique qu'il s'agit de la lumière émise par la matière déchiquetée par le trou noir. La zone sombre au milieu, c'est l'ombre de ce qu'on appelle l'horizon des événements. Cet horizon correspond à la limite de non-retour. Si vous franchissez cette limite, vous pouvez avoir tous les vaisseaux de Star Wars que vous voulez, jamais vous n'en sortirez. Le trou noir en lui-même, avec une masse d'à peu près 6,5 milliards de fois la masse du solaire, se cache à l'intérieur de cet horizon. Ce résultat confirme les modèles imaginés par les astronomes pour les trous noirs en rotation. Mais comme toujours en science, quand on trouve une réponse, cela ouvre un grand paquet de nouvelles questions. C'est le début d'une nouvelle ère pour l'étude détaillée de ces monstres de l'univers ! Pour en savoir plus > La dépêche AFP > Mon dossier sur les trous noirs Voici la suite du dossier sur les trous noirs ! Si vous avez raté le premier épisode, vous pouvez vous rattraper par ici ! Comme souvent, les mots sont un peu trompeurs et il est important de souligner qu’un trou noir n’est pas... un trou ! En résumé, un trou noir est une énorme quantité de matière concentrée en un tout petit volume, appelée singularité. Cette matière forme un creux très profond dans l’espace-temps, de telle sorte que si un photon franchit ce qu’on appelle l’horizon du trou noir, il ne pourra plus en sortir. Cet horizon n’est pas une frontière physique. Si lors d’un voyage (un tantinet imprudent) dans l’espace, vous le franchissiez, vous ne remarqueriez rien. Seulement, une fois à l’intérieur, il vous serait impossible de transmettre un message d’adieu à votre collègue resté prudemment à distance (pas fou le collègue). Et même avec le vaisseau spatial le plus puissant qui soit, vous ne pourriez plus sortir du trou noir... Nous connaissons maintenant le principe général du trou noir, mais tous les trous noirs ne se valent pas : certains sont microscopiques tandis que d’autres sont des monstres galactiques. Pour s’y retrouver, les astrophysiciens les ont classé en trois familles. Des trous noirs microscopiques qui s'évaporent Par ordre de masse, nous trouvons d’abord les microtrous noirs. Ils sont aussi appelés primordiaux, car on pense qu’ils se sont formés il y a environ 13 milliards d’années alors que l’univers était bien plus dense et chaud qu’aujourd’hui. Le physicien Stephen Hawking a proposé que ces trous noirs puissent s’évaporer et même disparaître. Les plus gros microtrous noirs pourraient être encore aujourd’hui en train de s’évaporer, mais leur petite taille et leur faible interaction avec leur environnement font qu’aucun n’a été encore détecté à ce jour. Les trous noirs stellaires : cadavres d'étoiles La deuxième catégorie regroupe les trous noirs stellaires. Ces trous noirs sont en réalité des cadavres d’étoiles massives (plusieurs fois la masse du Soleil au moment de leur mort). Toutes les étoiles passent leur vie à lutter contre la gravité, qui tend à les écraser sur elles-mêmes. Vous-mêmes, vous subissez votre propre force de gravité (personne n'est gros hein, c'est pareil pour tout le monde). A votre échelle, vous ne vous en rendez pas compte. Si vous êtes une étoile, c'est pas la même, vous vous en doutez. Heureusement, les étoiles disposent de plusieurs moyens de lutter contre cette mort certaine, et leur première technique s'appelle la fusion nucléaire. Les étoiles sont composées en majorité d’hydrogène, qui est l’atome le plus simple : un proton accompagné d’un électron. Dans les conditions qui règnent à l’intérieur d’une étoile, la matière est sous forme de plasma, c’est-à-dire sous forme de soupe dans laquelle flottent indépendamment protons et électrons. Le feu, par exemple, est un plasma. En temps normal, pas moyen de coller un proton à l'autre. Une force colossale les tient à bonne distance les uns des autres. Mais, la densité et la température sont tellement élevées dans les étoiles pour que les protons sont capables de fusionner, ce qui libère une grande quantité d’énergie sous forme de photons (de la lumière !). Cette forte émission de lumière permet alors de contrebalancer la gravité pendant un certain temps. Mais lorsque les réserves d’hydrogène et d’autres éléments s’épuisent, c'est foutu, la gravité va écraser l’étoile sur elle-même, jusqu’à ce que sa taille soit comparable à celle de la Terre. A ce moment-là, la matière est si dense que les électrons se retrouvent serrés les uns contre les autres. Or les électrons, comme les protons, détestent être les uns sur les autres, ils vont alors s’agiter en tous sens pour éviter cette situation. Cela crée ce qu’on appelle une pression de dégénérescence, qui est capable de contrebalancer la gravité. Si l’étoile a une masse inférieure à 1,4 fois la masse du Soleil, son évolution s’arrêtera là et elle sera appelée naine blanche. C’est le destin qui attend notre Soleil dans 4 à 5 milliards d’années (voire un petit peu plus selon les dernières estimations). Il se refroidira alors extrêmement lentement, jusqu’à devenir une naine noire, n’émettant quasiment plus de lumière. Par contre, si la masse de l’étoile est plus importante que 1,4 fois la masse du Soleil, l’agitation des électrons ne suffira pas à contrebalancer la gravité et l’étoile s’effondrera de nouveau, jusqu’à ce que son rayon atteigne seulement quelques dizaines de kilomètres. La densité est alors telle que les neutrons, qui sont les autres particules composant les noyaux avec les protons, sont alors à leur tour pris d’agitation et arrêtent l’effondrement. L’étoile est alors appelée étoile à neutrons. Il existe des étoiles de plusieurs dizaines, voire de plusieurs centaines de masses solaires. Pour celles-ci, rien ne peut arrêter leur énorme force de gravité. Elles passent très rapidement par les stades de naine blanche et d’étoile à neutrons. La gravitation devient alors tellement forte que la lumière émise par l’étoile ne peut plus s’échapper. Si l’on pouvait observer une de ces étoiles massives à ce moment-là, on verrait l’horizon du trou noir apparaître en son centre et grossir jusqu’à englober toute l’étoile. Celle-ci disparaîtrait alors de notre vue pour toujours. Des monstres affamés au centre des galaxies Pour terminer notre promenade au bestiaire des trous noirs, passons enfin aux plus grands monstres de l’univers : les trous noirs galactiques. Avec leur masse variant de plusieurs millions à plusieurs milliards de masses solaires, ils sont tapis au centre de presque toutes les grosses galaxies. Le déroulement de leur naissance et de leur croissance n’est pas encore parfaitement connu. Dans un premier scénario, les premiers trous noirs de l’histoire de l’univers étaient plus massifs qu’aujourd’hui et en ont ensuite mangé d’autres. Une autre hypothèse envisagée est l’effondrement d’énormes nuages de gaz et de poussière qui formeraient alors directement les trous noirs galactiques. Le plus connu des trous noirs galactiques est celui qui se trouve au centre de notre galaxie, la Voie Lactée, et qu’on appelle Sagittarius A* (abrégé par SgrA*) car il est situé dans la constellation du sagittaire. Sa masse a beau être égale à quatre milliards de fois la masse du Soleil, les astrophysiciens n’ont eu les premiers indices de son existence qu’en 1979 et leurs premières certitudes datent seulement de la fin des années 90. Il faut dire pour leur défense que SgrA* est situé à 26 000 années-lumière de nous. L’observer, c’est comme essayer de voir un cheveu à 380 km de distance ! Comment observer un trou noir ? Heureusement il existe de nombreux moyens indirects pour observer un trou noir. En regardant les étoiles tourner autour de SgrA*, les astrophysiciens ont pu par exemple déterminer sa masse. Ils peuvent également observer la lumière émise par les trous noirs lorsqu’ils dévorent de la matière. D’autre part, avec leur forte gravité, les trous noirs se trahissent en déviant et en déformant la lumière qui passe près d’eux. Les étoiles derrière eux peuvent alors apparaître dupliquées ou leur lumière amplifiée. Un autre moyen d’obtenir des informations sur les trous noirs est de regarder comment ils déforment l’espace-temps autour d’eux. Quand par exemple deux trous noirs tournent l'un autour de l'autre, ils génèrent des ondes gravitationnelles, c'est-à-dire des sortes de vagues qui se propagent et déforment sur leur passage à la fois l'espace et le temps (Lire ici l'article sur leur première détection). Sur l'image ci-dessous, vous pouvez voir une simulation d'un trou noir en train de manger un nuage de gaz qui passe ! Les premières images directes de SgrA* devraient être obtenues dans les prochaines années, grâce au développement des radiotélescopes (observant les ondes radio) en réseau, comme ALMA (Atacama Large Millimeter Array). Le monstre nous laissera pour la première fois entrevoir sa silhouette, entourée de lumière, et ouvrira une nouvelle ère dans l’étude des trous noirs en permettant aux physiciens de tester la relativité d’Einstein dans des conditions extrêmes. Si vous voulez savoir à quoi ressemblerait un voyage près d'un trou noir, le meilleur moyen reste encore de regarder le film Interstellar ! Les simulations du trou noir sont en effet basées sur de vraies équations (voir l'article pour plus de détails ici). Envie de plus de trous noirs ? Consultez les dates de mes prochaines conférences ci-dessous ou bien demandez-moi carrément de venir en donner une par chez vous ! Le trou noir, c’est un peu le Dark Vador de la force de gravité. Il est en fin de vie mais est plus puissant que jamais et ne rêve que d’engloutir tout ce qui passe à sa portée. Et bien sûr, ce qui intéresse tout le monde, c’est la façon dont il est passé du côté obscur. En d’autres termes, comment un trou noir naît-il ? C’est cette question qu’éclaire la toute récente découverte des astrophysiciens Heino Falcke et Luciano Rezzolla. Revenons d’abord rapidement sur la jeunesse du trou noir. Sa vie commence sous forme d’une étoile très massive. Toute son existence est consacrée à lutter contre la gravité, qui tend à l’écraser sur elle-même. Tant que l’étoile peut réaliser la fusion nucléaire en son cœur, il est facile de contrebalancer la gravité. Mais quand le carburant vient à manquer, les choses se corsent ! L’étoile s’effondre sur elle-même jusqu’à ce que sa taille soit comparable à celle de la Terre. On l’appelle alors naine blanche. Sa densité est telle que les électrons, serrés les uns contre les autres, deviennent un peu dingues et s’agitent dans tous les sens, si bien qu’ils sont capables d’arrêter l’effondrement ! La naissance du trou noir Mais si l’étoile est vraiment très massive, cela ne suffira pas à la sauver. L’effondrement va continuer jusqu’à ce les neutrons se mettent à leur tour à s’agiter. L’étoile est alors appelée étoile à neutrons. Et si la masse de l’étoile est suffisante, la gravité finit par gagner et l’étoile se transforme alors en trou noir. On peut définir simplement un trou noir comme un endroit où une énorme quantité de matière est concentrée dans un tout petit volume, de telle sorte que, en dessous d’une certaine distance au trou noir, appelé horizon, rien ne peut échapper à son attraction gravitationnelle, pas même la lumière. Vous comprendrez alors facilement qu’observer ces trous noirs, qui par définition n’émettent pas de lumière, est un sacré challenge ! Aujourd’hui, il n’existe pas encore de photo d’un trou noir, même si des instruments sont développés pour atteindre cet objectif. Notre seul moyen de les débusquer est de chercher des preuves indirectes, comme par exemple de la lumière émise par la matière en train d’être dévorée par le trou noir. Les adieux de l’étoile à neutrons C’est au cours de cette recherche que nos deux astrophysiciens ont découvert un signal qui pourrait bien être le dernier message d’une étoile à neutrons avant son engloutissement en trou noir. Ou si on préfère le verre à moitié plein, le premier message du trou noir nouvellement formé. Ce signal extrêmement court et puissant a été capté par des radiotélescopes, c’est-à-dire des télescopes recevant non pas la lumière visible par nos yeux, mais une lumière de plus basse énergie, en deçà de l’infrarouge. A l’aide de modélisations numériques, les astrophysiciens ont envisagé plusieurs scénarios pour expliquer ce flash lumineux. Voici le scénario le plus probable : une étoile à neutrons très massive est en rotation rapide, ce qui lui permet momentanément de ne pas s’effondrer. Mais cette étoile à neutrons possède un champ magnétique, comme celui d’un aimant, qui va ralentir sa rotation petit à petit. Il arrive alors un moment où elle ne tourne plus assez vite et, vous devinez la suite, la gravité gagne encore ! L’étoile à neutrons se transforme alors en trou noir. Cette transformation va avoir pour effet de couper les lignes de champ magnétique de l’étoile qui vont se replier brutalement, générant un intense flash lumineux. Ce genre d’événement est désormais appelé «blitzar» (de Blitz signifiant flash en allemand). Les astrophysiciens ont désormais un nouveau moyen de détecter la naissance de ce type de trous noirs, de quoi mieux comprendre la formation de ces monstres de l’obscurité. Article rédigé par Sarah Fechtenbaum le 10 juillet 2013. Le trou noir, c’est le grand méchant loup de l’univers. C’est lui qui, à la fin, mange tout le monde. Il fascine les astrophysiciens depuis un siècle, depuis que son existence a été prédite comme l’une des conséquences de la relativité d’Einstein. Dans les prochaines années, nous devrions être pour la première fois en mesure d’observer directement un trou noir. Partons à la découverte de ce monstre de l’univers ! Pour comprendre le concept de trou noir, il nous faut l’aide de notre physicien chevelu préféré : Albert Einstein. L’une des idées révolutionnaires proposées par Einstein, aidé par le travail du mathématicien et physicien Hermann Minkowski, c’est que l’espace et le temps sont en réalité deux aspects d’une même chose : l’espace-temps. L’univers n’est pas constitué de trois dimensions séparées (que l'on peut appeler par exemple hauteur, largeur et profondeur), accompagnées d’une dimension temporelle, mais d’un tissu d’espace-temps à quatre dimensions. Dans notre quotidien, l’espace et le temps nous semblent pourtant bien séparés et immuables. Le temps s’écoule de la même façon pour vous et pour moi, et nous apprenons à l’école que deux droites parallèles ne se croisent jamais. Si, si, la maîtresse nous a dit ça. La masse déforme l’espace-temps Je ne peux pas vous faire un dessin à quatre dimensions, alors, pour bien comprendre les choses, nous allons supprimer virtuellement l’une de nos dimensions spatiales, par exemple la hauteur. Imaginons que nous sommes des êtres plats vivant sur un drap et qu’il nous est strictement impossible de quitter ce drap, tels de gentils acariens (je vous épargne la photo d'acariens pour que personne ne fasse de cauchemar). Si aucun objet massif, comme une planète ou une étoile, n’est situé près de nous, tout se passe comme d’habitude : le temps s’écoule de la même façon pour tous et les droites parallèles le restent. Mais plaçons à présent un objet massif, la Terre par exemple, au centre de ce drap. Le tissu d’espace-temps est maintenant creusé là où se trouve la Terre et, autour d’elle, les droites parallèles se rapprochent les unes des autres. Elles peuvent même se couper ! Vous aurez le droit de vous la péter la prochaine fois que vous croiserez votre instit' à la boulangerie. L’autre effet de la présence d’un objet massif est la distorsion du temps. Imaginons que nous pouvons placer une horloge – très résistante – à la surface du Soleil et une autre très éloignée de notre étoile. Au bout d’un an, l’horloge placée près du Soleil affichera un retard d’environ une minute par rapport à l’autre ! C’est la gravité exercée par le Soleil qui est responsable de ce décalage. Lorsqu’on se trouve près d’une masse, notre temps, vu par un observateur éloigné, s’écoule moins vite. Cet effet, mesuré depuis les années 1960, est pris en compte aujourd’hui dans la conception des GPS. Une conséquence très importante de cette distorsion du temps est le rougissement de la lumière. On peut comprendre ce phénomène en considérant la lumière comme une onde. Plus les vagues sont rapprochées dans le temps, plus la lumière est bleue et possède une énergie élevée, tandis que, plus ces vagues sont espacées, plus la lumière tend vers le rouge et possède une énergie basse. Si nous observons un photon, c’est-à-dire une particule de lumière, passer près d’un objet massif, nous allons voir son temps se dilater. La lumière que nous allons percevoir sera rougie. Cela revient également à dire que le photon aura perdu de l’énergie. Mais que se passe-t-il si la masse de l’objet devient extrêmement importante ? C’est la question à laquelle a répondu l’astrophysicien Karl Schwarzschild. Il a cherché à comprendre ce qui arrive à l’espace-temps en présence d’une masse ponctuelle – c’est-à-dire réduite à un point, pour simplifier le problème. Par ses calculs, il a mis en évidence une masse limite pour laquelle la gravité tend vers l’infini. Le temps est alors infiniment dilaté et les photons perdent alors toute leur énergie. Sans énergie, les photons ne peuvent plus se propager. L’objet apparaîtra alors totalement noir. C’est le principe du trou noir ! Le diaporama ci-dessous vous montre la déformation de l'espace-temps engendrée par un objet de plus en plus massif, d'abord la Terre, puis le Soleil, puis une étoile massive et enfin une étoile tellement massive que la lumière qu'elle émet ne parvient plus à s'échapper du creux formé dans l'espace-temps. On ne peut alors tout simplement plus voir l'étoile (ou n'importe quel objet situé dans le creux), c'est la définition d'un trou noir. Malgré ces bizarreries, du point de vue d’un physicien, un trou noir est un objet très simple comparé à une étoile, par exemple, car seuls trois ingrédients sont nécessaires pour le décrire : sa masse, sa rotation et sa charge électrique. Pour décrire une étoile, on a aussi besoin de sa luminosité, de sa composition chimique… Le physicien John Archibald Wheeler usait à ce sujet d’une expression qui est restée célèbre : « Les trous noirs n’ont pas de cheveux ! » Il entendait par là que le trou noir ne garde pas de mémoire de ce qu’il a englouti. Qu’il ait mangé une étoile, une planète ou un vaisseau spatial, aucune trace extérieure, aucun « cheveu », ne restera visible pour un observateur extérieur. Fin de la partie 1 du dossier sur les trous noirs ! La suite très bientôt ! Ce dossier a été publié dans le numéro 7 de la revue l'Eléphant, que vous pouvez retrouver ici ! Nous n’avons toujours pas fini d’explorer les conséquences de la relativité générale, formulée par Einstein il y a tout juste cent ans. Sa théorie prédit que lorsqu’un objet massif est soumis à une accélération, l’espace-temps autour de lui est légèrement perturbé. Comme des vagues à la surface d’un lac, ces perturbations, appelées ondes gravitationnelles, se propagent dans l’univers et traversent tout sur leur chemin. Les astronomes sont particulièrement intéressés par cette dernière propriété car cela pourrait permettre d’observer des phénomènes jusque-là inaccessibles. Nous pourrions par exemple voir ce qu’il se passe à l’intérieur des étoiles ou mieux comprendre de nombreux phénomènes reliés aux trous noirs ou aux centres des galaxies. Observer des ondes gravitationnelles serait aussi une validation importante de la relativité générale. Seul petit problème, ces ondes sont extrêmement faibles. Pour vous donner une idée, la puissance de la perturbation de l’espace-temps générée par la Terre tournant autour du Soleil est de l’ordre de 200 Watts. Autant vous dire que votre bouilloire électrique est au moins 5 fois plus puissante ! Il faut alors des événements impliquant des objets très massifs pour générer des ondes gravitationnelles suffisamment fortes pour être détectées. Cela n’a pourtant pas découragé les scientifiques (si c’est trop facile, c’est pas drôle), qui ont construit des détecteurs extrêmement sensibles dans l’espoir de les observer. Le principe de ces détecteurs, appelés interféromètres, est le suivant. Un détecteur dispose de deux tubes, longs de plusieurs kilomètres, placés à angle droit, et possédant à ses extrémités des miroirs. Un rayon laser parcourt les deux tubes, appelés bras, à la vitesse de la lumière. Mesurer le temps mis par le laser pour parcourir les bras permet de connaître précisément leur longueur. Si une onde gravitationnelle vient à passer par là, elle étirera légèrement un des bras, tandis que l’autre sera légèrement raccourci, générant un signal bien reconnaissable par les chercheurs. Après des décennies de recherche, un de ces interféromètres, appelé LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory) a finalement détecté une onde gravitationnelle ! Il faut dire que la précision de LIGO est extraordinaire. Si ce détecteur mesurait des distances dans l’espace, il pourrait mesurer la distance entre le Soleil et l’étoile la plus proche avec une précision de l’ordre de l’épaisseur d’un cheveu humain. Pas mal, non ? Ce que les chercheurs ont annoncé à 16h30 aujourd’hui est la détection d’une onde gravitationnelle générée par la fusion de deux trous noirs. Ces deux-là avaient une taille de seulement 150 km de diamètre environ et chacun contenait à peu près 30 fois la masse du Soleil. Pour vous donner une idée de la densité de ces objets, à quelque chose près, c’est comme si vous essayiez de compacter le Soleil entre la Tour Eiffel et le cimetière du Père Lachaise ! Nos deux trous noirs tournaient très rapidement l’un autour de l’autre, à 150 000 km/s, et il y a 1,3 milliards d’années, ils ont fusionné, ne formant plus qu’un seul trou noir et générant une forte onde gravitationnelle. C’est seulement maintenant que nous la recevons, le temps que l’onde se propage jusqu’à nous. Cette onde a alors déformé la Terre sur son passage (juste un peu, pas d’inquiétude) suffisamment pour être détectée par LIGO. C’est la première fois que l’on détecte la fusion de deux trous noirs. Cette détection ouvre une nouvelle fenêtre d’observation possible de l’univers et annonce de nombreuses découvertes à venir ! Vous en voulez encore ?
Plus de détails sur cette détection sur Futurasciences, sur les ondes gravitationnelles sur astronomes.com
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Qui écrit ?
Sarah Fechtenbaum Docteure en astrophysique et médiatrice en sciences Catégories
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Janvier 2024
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