Quand je dis que je suis docteure en astrophysique, généralement, les gens me regardent lʼair franchement effaré. Ils ont en général du mal à imaginer ce que peut être une journée de physicien. Cʼest assez normal. Vous avez sûrement lʼimpression que le monde de la physique ne vous concerne pas franchement. Cʼest sûr que si je vous raconte quʼil y a des types dans le sous-sol de la frontière suisse qui font des collisions de quarks et de gluons, au mieux vous allez me demander si ça se mange, au pire vous allez vous dire quʼon devrait investir dans dʼautres choses plus importantes... Et je comprends très bien. Mais en réalité, la recherche scientifique est intimement liée à notre vie quotidienne. Sans lʼélectromagnétisme, pas de grille-pain, dʼampoule électrique, dʼaspirateur... Sans hydrodynamique, pas dʼavions. Sans la relativité, pas de communication par satellite. Sans compréhension de la radioactivité, pas de radiothérapie. La liste est très longue. Et dans cet article jʼaimerais parler du LHC (en français : grand collisionneur de hadrons), qui est sans aucun doute la plus grande expérience scientifique de tous les temps, par ses dimensions, son coût et le nombre de personnes impliquées. Cʼest la plus grande machine jamais construite par lʼhomme, un anneau creux, à peu près aussi long que le périphérique parisien, enterré près de Genève. Sur lʼimage ci-dessous vous pouvez vous rendre compte de la taille dʼun des détecteurs de particules du LHC. Cette taille gigantesque est nécessaire pour pouvoir accélérer des protons ou des ions (voir encadré ci-dessous pour la définition) jusquʼà quasiment la vitesse de la lumière et ensuite de les faire se percuter dans une collision très violente. Mais pourquoi font-ils cela ? Ces petits grains de matières que sont les protons sont en réalité composés dʼautres grains encore plus petits et le seul moyen de les « voir » cʼest dʼécraser violemment les protons. Si vous voulez savoir comment est faite une orange et que vous nʼavez pas de couteau, vous pouvez tout simplement lʼécraser et vous voyez alors apparaître ses composantes : la pulpe, le jus, les pépins. Ici ces composantes portent les jolis noms de quarks et de gluons. Ces expériences apporteront de nombreuses informations sur lʼantimatière, la matière noire, lʼexistence de particules inconnues et aussi sur la jeunesse de lʼunivers. En effet, les conditions de température et de pression qui seront bientôt atteintes au LHC sont proches de celles de lʼunivers à ses débuts. Lʼobservation de ces collisions équivaut alors à regarder lʼunivers tel quʼil était il y a 14 milliards dʼannées !
Mais je vous avais promis du concret et le voilà. En ce moment au LHC les physiciens réalisent à peu près 600 millions de collisions par seconde. De ces collisions jaillissent un très grand nombre de particules. Ces observations sont transformées en données numériques, ce qui représente une quantité faramineuse de données, lʼéquivalent de 15 millions de CDs par an ! Un seul centre de calcul nʼaurait jamais suffi à traiter toutes ces données, lʼidée est donc de répartir cette charge sur un réseau mondial dʼordinateurs, appelé la grille (traduction de lʼanglais the grid). Cette grille permet un échange dʼinformations, comme le réseau web, mais en plus, et cʼest le plus important, elle permet une mise en commun de la puissance et de la capacité de stockage de chaque ordinateur du réseau. Si vous avez un travail à faire, mais pas assez de ressources sur votre propre ordinateur, vous pouvez envoyer votre requête à un ordinateur gestionnaire, qui va trouver à quel endroit sur la planète des ordinateurs sont disponibles pour faire votre travail le plus vite possible. Et cette technologie est déjà utilisée ailleurs quʼau LHC, elle permet par exemple dʼaccélérer les prévisions par modélisation des inondations ou de lʼactivité des volcans, la recherche sur de nouveaux médicaments. Encore plus concrètement, elle permet une aide au diagnostic médical avec une analyse plus rapide des images médicales ou une comparaison automatique avec des archives, permettant de trouver des cas similaires. Tous les domaines de recherche bénéficieront de cette technologie et donc tous les citoyens. Aujourdʼhui ces grilles sont encore séparées les unes des autres et réservées à des organismes scientifiques, mais les plus ambitieux imaginent déjà une grille mondiale à la disposition de chacun. Cette histoire rappelle celle du web, inventé en 1989 par des scientifiques du CERN, pour pouvoir partager plus facilement des données, juste entre scientifiques bien sûr... La physique dʼaujourdʼhui continue de faire les révolutions technologiques de demain. Article rédigé par Sarah Fechtenbaum publié en 2011 ou 2012 (je sais pu trop).
0 Commentaires
Votre commentaire sera affiché après son approbation.
Laisser un réponse. |
Qui écrit ?
Sarah Fechtenbaum Docteure en astrophysique et médiatrice en sciences Catégories
Tous
Archives
Janvier 2024
Retrouvez mon dossier Trous noirs dans la revue l'Eléphant
Mon blog dans la sélection des meilleurs blogues de sciences en français 2013 !
Les sites que j'aime
Futurasciences Astronomes Images de la NASA Tu mourras moins bête Science Daily Daily Galaxy Piqûre de Curiosité |